ACÍ GASCONHA
Baiona Anglet Biàrritz Bocau Baish Ador
LE LIVRE D'OR
La plus ancienne des sources écrites proprement bayonnaises de notre histoire est constituée par "Le Livre d'Or".
Celui-ci est un recueil, un "Cartulaire", en parchemin, établi sur l'ordre de l'Evêque et du Chapitre. Il s'agit de copies, pêle-mêle, d'actes et contrats très divers (chartes, bulles, accords, transactions, partages, etc ...) et d'une liste de censitaires de 1266, dont on voulait garder la trace. Au total 142 pièces, dont 106 en latin et 36 en gascon.
Transcrit par l'Abbé Bidache à la fin du siècle dernier, la collaboration, sur des points divers, de l'Abbé Dubarat, du Chanoine Daranatz, de M. P. Yturbide, avocat à Bayonne, a permis son édition en 280 exemplaires, en 1906.
Ce "Livre d'Or", ainsi appelé en raison de sa valeur documentaire (et non de sa matière ou de sa reliure), a été saisi en 1790 en exécution d'une loi sur les "corporations religieuses" et depuis lors il est déposé à Pau, aux Archives départementales. Il compte 101 feuillets (manuscrits, évidemment), écrits par deux copistes à la fin du XIIIe siècle (d'après M Jules Balasque), reprenant des actes allant de 980 ou 983 jusqu'en 1266.
Les actes ainsi repris concernent des localités très diverses, allant du "pays des Lanes" diocèse de Dax, (Sors, Angresse, St Vincent de Tyrosse, Ondres, Tarnos, St André et St Martin de Seignanx, St Etienne-d'Arribe-Labourt) jusqu'à diverses cités de l'actuelle Espagne (Haute-Navarre et Guipuzcoa).
Pendant cette période de près de trois siècles, Bayonne et les terres environnantes se trouvèrent sous quatre mouvances successives, celles :
- des ducs de Gascogne (862 - 1033)
- des comtes de Poitou et ducs d'Aquitaine (1033 - 1137)
- du roi de France Louis VII, quand la fille du dernier duc d'Aquitaine Guillaume X, Aliénor d'Aquitaine, l'épousa, pour moins de quinze ans (1137 - 1152). Plus exactement, Aliénor avait épousé Louis le Jeune un mois avant le décès du roi de France son père, Louis VI le Gros.
- de "l'Empire Plantagenêt", puis du roi d'Angleterre (1154 - 1451), quand Aliénor, qui avait repris ses biens (Poitou et Aquitaine), se remaria avec Henri III Plantagenêt, comte d'Anjou et duc de Normandie, lequel hérita, deux ans après, du trône d'Angleterre, et devint Henri II d'Angleterre.
LE LIVRE D’OR DE L’EVECHE DE BAYONNE
Sur l’ordre de l’Evêque et du Chapître fut ouvert, à la fin du XIIIème siècle, un recueil - un Cartulaire - qui est la plus ancienne des sources écrites de l’histoire de Bayonne et des environs.
Sur parchemin ont été copiés pêle-mêle des actes, contrats, listes de censitaires (impôt du "cens"), etc, datant de 980 à 1266. Au total 106 pièces en latin et 36 en gascon.
Ce cartulaire, appelé "Livre d’Or" en raison de sa valeur documentaire, a été recopié au siècle dernier par l’abbé Bidache, puis imprimé.
Nous extrayons de cet ouvrage imprimé - rare aujourd’hui - trois textes écrits en vieux "Gascon de Bayonne", qui nous permettent de faire des remarques très intéressantes sur l’écriture du gascon quand il était encore une langue majeure. Nous relevons seulement les plus importantes.
1266
"Les Chanoines de Baione ont retiré la dixme Durmendie du fabriqueur lay. Cette dixme se partage entre les Chanoines et la fabrique. - L.O. f° 67 V°.
SABUDE causa sia que lo Capito de le Glizie de Sancta Maria de Baiona an sout le dezmarie d’Urmendie qui fo de le Daune de Lissaber, que l’obre de le Glizie de Baiona tie peinhs per. IIII. LB. Morlans ; e es assaber que lo Capito a pagad aquestas. IIII. LB. a n’Arremon W. de Sen Lobui, manobrer de l’obre de le Glizie de Sancta Maria de Baiona.
Testimonis son : en Per.A. d’Uhart qui ere sodz maire per en Per.A. de Biele, en johan d’Ardir, n’Arremon Johan de Bisaudun, en P. de Puiane.
E daqui avant deu partir l’obre e lo Capito per maitadz.
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Sants Arnaud Diberi affieve de l’Evesque et Chanoines une place et un jardin en un tenant, rue de St-Léon, pour six sols Morlans de fief. - L.O. f° 68.
SABUDA causa sia que io, en Sants Arnaut d’Iberi, ei recebude e prese la place eu casau thient bert l’oest ab aquere mediche place, qui son en l’arrua de Sen Leon, enter la place de n’Arremon de Luc de la una part, e la place d’en B. de Memizan de l’autre, d’en Per B. de Camiade, claver del ondrabla Pair en Xhrist en S. de Hache abesque de Baiona, e d’en Magester V. de Perer, e d’en Magester Saubad, clavers dou Capito hi aqued temps, per. VI. sols de Morlans ; los quaus los dei pagar cascun an en cascue feste de la Nativitad de lhesu que sera.
E se los ditz Mosseiner l’abesque eu Capito bolen e dizen hi aucun temps avieideir, que io, en S.A., los pagasse ...
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Richard, duc d’Aquitaine, confirme aux citoyens de Bayonne les coutumes et droits que Guilhem comte de Poitiers leur avait concédés sous l’épiscopat de Raymond de Martres, et leur accorde de nouveaux privilèges.
CONEGUDE cause sie a todz aquetz qui son ni qui seran que io R. Filh d’Enric rey d’Anglaterre, comte de Peytau e duc de Guiayne, ey dat e autreyat aus nos amatz ciptadans de Baione costumes e dretz per tustems, los quaus W. comte de Peytau, present Ramon de Martre abesque de Baione, autreia a lor quent Baione comensa a hedificar. So es assaber : Que todz hom qui es bincut a Baione e y biera per estar, sabie que nos l’avem autreiat tote le frenquesse en terre, en mar, e en bosc, e en anes, quant poira anar e tornar per un die. E despuis que an e die aura continuat, saub que qui aqui aura terre, que soubie cascun an los diers que deura au seinhor de le terre. E dous tribails e clams qui aqui se feran, se hom s’en clame au seinhor o a sson vicari, aquet qui aura feite le injurie que paguera VI. ss. E se augun estan en Baione s’en volera ischir e anar estar en aut log, que aie poder de bener so qu’a, se bener bou. E tods hom qui mei senescaut es, quou deu tier guidat per tote ma terre e outre tant cum pusque. E se per aventure auguns hom fei tort au mei senescaut o ad augun mey .... hom, dou tort prener dret e a beniarlo, quou seguiran tut ; e totz hom qui seguir nou bolera, et paguera sieys ss.E.si-I senescaut, prese le pecunie e hom que no l’age (feit) augun tort a luy ny aus sons, vou anar en augun loc, nou segu (ira lo) poble. E ey establit que totz antz me don hom hun marc d’argent .... per so que hom los demandabe (de) le baleye ; e de cascune nau (que es de le biele de Baione. II.ss. en cascun torn. Autressi ey autreyat aus homis (de Baione que porten por tot ont se boleran) lors pesqueyries chetz costume, si ab homi estrainhs (no) haben compagnie ; e si ab homis estrainhs haben compagnie, que (pagueran) le costu (me cum) avant part. Los eys mes autreyat que lo senescaut qui aqui sera, los fase segrement de thier aquestes costumes. Testimonis son desso : En Fortaner, abesque de Bayonne, en W. Arn. abesque Dacxs, en W. Maino, en ....."
REMARQUES
Nous avons souligné quelques uns des mots qui "justifient" l’écriture moderne en "normalisé", écriture dite classique.
- Pour prononcer le son "OU", on écrivait "O" :
- IO pour dire "YOU", c’est-à-dire "moi"
- LO CAPITO, prononcé LOU CAPITOU ;
- SON, prononcé "SOUN", en français "sont" ;
- TOTE le frenquesse, prononcé "TOUTOE" ;
- LOS, prononcé "LOUS". etc.
Aujourd’hui, pour distinguer le son "O" du son "OU", on ajoute un accent grave sur le "Ò".
Nous écririons (exemples pris dans les textes) : l’òbre (l’oeuvre, le travail) ; se bener bòu (so bénoe bo) : s’il veut vendre ; bòsc (bois) ; lòg (lieu) ; sò qu’a (ce qu’il a) ; tòrt (tort) ...
- Bien sûr, quand il y a deux voyelles à la suite, elles sont prononcées séparément, comme dans toutes les langues sauf le français :
ei se dit eï - Daune se prononce Daoune ; cause se lit caouse ; deu se prononce en gascon dé-ou (mais, par exception, en gascon maritime on dit dou). (Voir in fine Tableau : "Quand deux voyelles se suivent").
- Le "R" final ne se prononce pas, mais ... il y est, du temps de Richard Coeur de Lion :
- "e es assaber" : (a saboe), soit : "à savoir"
- "manobrer" : (manobroe), soit : "manoeuvre"
- "claver" : (clabé) : "clavier"
- "pagar" : (paga) : "payer"
- "poder" : (poudoe) : "pouvoir"
- "anar" : (ana) : "aller"
- "estar" : (oesta) : "être"
et "tornar", "bener", "prener", pour
(tournà), a(bénoe), (proenoe), ...
- Le "v" se prononce aussi "b" :
- "claver" : (clabé) : "clavier"
- "volera" : (bouloera) : "voudra" (dans le 3ème extrait, on trouve à la fois "volera" et "bolera", "boleran").
- Les rédacteurs, qui ne sont pas des spécialistes de la langue, hésitent sur la rédaction du son "E" final dans l’article féminin traduit en français par "la" ;
- tantôt : "le glizie", "le Daune", "Sabude causa sia", et tantôt : "la place", "de la una part", "la Nativitad", "Dabuda causa sia".
Dans tous les cas, le "a" final, à Bayonne, se prononce "e" (oe). (cf. ci-dessus les trois derniers mots).
Dans le second extrait, le rédacteur a "fauté" en écrivant "dou Capito".
Le texte emploie "un die" pour dire "un jour". Nous utilisons actuellement, ici, "un jorn" : (ün your) - Et il y est écrit, comme aujourd’hui, un "torn", pour "un tour".
Afin de faciliter aux plus curieux la compréhension du document, ajoutons encore quelques indications :
Parmi les archaïsmes, signalons que l’on plaçait à l’époque la particule "En" devant les noms propres, laquelle devenait "N" quand le nom propre commençait par une voyelle. Ex : "N’Arremon".
- "Guilhem, Comte de Poitiers" : c’était Guillaume IX, grand-père d’Aliénor, arrière grand-père de Richard Coeur de Lion.
- "Peytau" : Poitiers
- "Guiayne" : la Guyenne, notion fluctuante, couvrait ici la Gascogne.
- "W" : il y avait à l’époque beaucoup de Wilhelm, devenus Guilhem, c’est-à-dire Guillaume. Prénom d’origine germanique (les Francs).
- "cascun an" : chaque année
- "los diers" : pour "lous diners" : l’argent (le "n" est "tombé")
- "poder de bener" : (poudoe doe bènoe), soit "pouvoir (ou droit) de vendre".
- "baleyne" : baleine
- "estranhs" : on dit aujourd’hui, phonétiquement : (oestrandyé) : étranger
- il est écrit tantôt "Baiona", tantôt "Bayonne" (troisième texte) c’est le début de l’évolution ....
On pourrait encore ajouter de nombreuses remarques ....
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